Les Îles Kouriles

Les Îles Kouriles

Les Îles Kouriles, terres sauvages et inhospitalières, s’étendent sur plus de 1 000 kilomètres, entre le Japon et la Russie.
Archipel d’îles volcaniques encore actives, il offre un relief spectaculaire : falaises abruptes plongeant dans la mer, côtes rocheuses escarpées, volcans fumants.

Voici le récit d’un voyage au bout du monde, entre navigation, ski et survie dans des conditions climatiques extrêmes.


THIBAUD DUCHOSAL

Ancien compétiteur du Freeride World Tour, Thibaud Duchosal est aujourd’hui freerider professionnel. Il a réussi à transformer sa passion en métier : la montagne est devenue son bureau.

Skieur aventurier, il vit pour le ski, les grands espaces et les voyages. Ce qui l’anime ? Découvrir des paysages vierges de toute trace humaine et y laisser la sienne, comme un souvenir de son passage.

« Je vais embarquer sur un voilier à Yuzhno-Sakhalinsk pour rallier Petropavlovsk-Kamchatski au Kamtchatka.
Au programme : 15 jours de navigation et 7 à 8 jours de ski sur différentes îles des Kouriles.
Nous sommes seulement la deuxième expédition connue à réaliser ce voyage ! » 


DE PARIS À YUZHNO-SAKHALINSK

Depuis dix ans, Thibaud skie régulièrement en Russie mais plutôt dans la partie ouest. Cette fois, direction l’extrême-orient russe. En arrivant à Yuzhno-Sakhalinsk, le choc est immédiat : ici, on est au bout du monde.

Le trajet est long, l’aéroport sommaire, la ville austère. Les conditions climatiques sont rudes et ça se ressent : les bâtiments sont construits pour résister aux tempêtes de neige. Pas de fenêtres au premier étage : preuve des quantités astronomiques de neige qui recouvrent parfois la ville !


EMBARQUEMENT POUR LES ÎLES KOURILES

À l’arrivée, Thibaud retrouve les autres membres de l’expédition : le photographe Stéphane Godin, deux autres skieurs et les trois marins russes qui les mèneront jusqu’aux îles.

Avant de prendre la mer, une journée entière est consacrée à la préparation du matériel et aux vérifications de sécurité : bombes anti-ours, fusées de détresse, cuissardes de pêche, etc. car là-bas, les îles sont inhabitées et les ours bruns y règnent en maîtres.

Le matériel personnel de ski voyage en soute. Deux jours après l’arrivée, le groupe découvre enfin son bateau&nbsp... surprise : le Dumbo est un petit voilier de 11,50 m. À dix personnes, l’espace est plus que restreint. Un véritable jeu de Tetris s’engage pour tout ranger. Les skis, faute de place, sont attachés solidement à l’arrière du bateau.


LA VIE À BORD

La première traversée jusqu’à Kurilsk se déroule sous une météo parfaite : mer d’huile, ciel clair, paysages grandioses. On savoure l’instant, d’autant plus qu’une quarantaine d’orques viennent jouer autour du bateau pendant plus de deux heures. Un moment suspendu.

Mais le beau temps ne dure jamais longtemps ici. Quand le vent forcit, on passe davantage de temps à l’intérieur, à discuter, partager nos projets, nos aventures et cette passion commune pour le ski. De temps en temps, Thibaud prend la barre.

Pour lui, les Îles Kouriles représentent bien plus qu’un voyage : c’est une expédition exceptionnelle, une chance de faire ce que seules quatre personnes au monde ont accompli avant lui, skier dans un territoire totalement hostile et isolé. Dans cette zone, on ne croise personne. Pas de réseau, pas de bateaux, pas de repères : hors des radars, hors du temps.

Quatre fois par jour, le capitaine reçoit les bulletins météo par satellite. Les tempêtes sont fréquentes et la zone très peu naviguée. Ici, la vigilance est une question de survie. L’équipage s’occupe aussi de gérer les vivres et l’énergie, tout étant rationné pour tenir jusqu’au bout du périple.


DES CONDITIONS DIFFICILES POUR SKIER

Le 10 mai, la première tentative de ski a lieu sur l’île de Paramushir mais l’expédition tourne vite au chaos. Lors du débarquement, l’annexe se renverse : le moteur prend l’eau et le capitaine panique. Trempé et sous le choc, il refuse de retourner à la rame chercher les quatre skieurs restés à terre.

Thibaud tente de reprendre la situation en main mais le capitaine, blessé dans son orgueil, multiplie les mauvaises décisions. Le bateau heurte un haut-fond, la quille se fissure et la tension monte encore quand un ours brun s’approche de la plage où se trouvent les skieurs.

Dans un dernier effort, Thibaud prend les rames, nage entre les vagues et ramène, un à un, les quatre skieurs à bord. Ce n’est qu’après coup qu’il apprend que les eaux dans lesquelles il vient de plonger sont infestées de requins blancs.

Le reste du périple sera tout aussi éprouvant : tempêtes, pannes, journées entières bloqués par la météo. Ce n’est qu’au retour, sur la dernière portion du voyage, que l’équipe réussira enfin à faire quelques descentes.

Avec le recul, Thibaud en a conscience : ils sont passés à deux doigts du drame. Dans un territoire aussi isolé, à 4 °C dans l’eau et sans aucun bateau alentour, la moindre erreur peut être fatale. Ici, face aux éléments, l’homme n’est pas grand-chose.